Le record de distance en parapente sur le massif des Vosges, 133km en 2010 puis 168km en triangle FAI en 2014.

Je détiens le records des Vosges depuis juillet 2010 avec un triangle FAI de 133km sous une aile Omega 8.
En 2014, le matériel a évolué avec des ailes plus performantes à seulement 2 rangées de suspentes. Le 26 juin, je bats mon propre record avec un parcours de 168km sous une aile R11.
Ce record est aujourd’hui encore actuel. Il serait temps de le battre à nouveau, 170km, 180km, 190km…. Vu la nouvelle génération de pilote, il se pourrait bien que je passe le flambeau.
Voici le récit du vol et de cette journée exceptionnelle:
Météo du vol:
Depuis quelques jours les modèles météo prévoient pour la journée du Jeudi 26 juin de bonnes conditions pour le cross dans le NE de la France et les régions frontalières allemandes. Un front froid qui amène de l’air instable en basse couche vient de passer la veille par le Nord de la France et sera suivi par le passage d’une petite poussée anticyclonique de 1017Hpa pour le jour du vol. Une perturbation qui s’approche par l’Ouest ramène de l’air chaud en altitude. Les pressions au sol ne sont pas très haute, 1014Hpa. Le vent est faible moins de 10km/h, forcissant à peine en soirée de secteur Ouest. Les plafonds sont prévus à plus de 2500m. La seule mauvaise nouvelle est la prévision de surdéveloppements en milieu d’après midi dus à de trop faibles pressions en altitude, qui pourraient s’étaler et couper la convection quelques heures sur les crêtes.

Jeudi 26 juin…

Rendez vous est donné le matin tôt pour un entraînement avec l’équipe de pilotes cross Est Vosges. A 8h30 les cumulus se forment déjà en Est sur quelques uns des sommets Alsaciens. Les premiers élèves posent à l’atterrissage. Nous choisissons le décollage du Drumont comme site de départ, nous sommes sur place à 10h30. La journée s’installe tranquillement, nous préparons notre matériel et prenons le temps de faire un briefing sur la météo, les zones aériennes et le parcours. A 11h00 les premiers pilotes décollent, les cumulus sont partout et leurs plafonds sont déjà à plus de 2200m. Nous sommes un bon groupe, Patrick, Pascal, Stephane, Matt, Michou et David ; Christian, Greg et Patoche nous rejoindrons plus tard.

Les conditions permettent d’envisager un gros triangle avec un point à l’Est vers Thann, un point au Nord vers le Haut Koenigsboug et un point à l’Ouest vers Remiremont. Le niveau des pilotes est hétérogène et chacun décide donc d’allonger ou de réduire ses branches en fonction de son niveau personnel et des performances de son aile. Pour assurer et suite aux prévisions d’étalements sur les crêtes nous tournons la première balise au Grand Ballon quitte à agrandir  notre  triangle en soirée par le Rosberg. Pas de difficulté sur cette branche pour ceux qui arrivent à rester à une altitude supérieure aux crêtes. De retour sur le Treh c’est le cheminement classique sur la route des crêtes vers le Nord, Batteriekopf, Rottenbachkopf, Honeck, Schlucht, lac Vert, lac des Truites, lac Blanc.
Jusque là l’aérologie est généreuse mais les cycles pour monter au plafond sont positionnés uniquement sur les gros carrefours des crêtes vosgiennes, la zone de travail se situe entre 1500m et 1900m, le plafond quand il est accessible est à 2400m.

Le prochain objectif est d’aller le plus loin possible en direction du Ht Koenigsbourg. Les conditions sont fumantes, les thermiques sont raprochés et bien actifs, matérialisés par des petites rues de nuages. Toutes les Vosges sont allumées. Je croise quelques pilotes qui ont décollé de Sourcenord, un site au pied de Lapoutroie et qui remontent vers les crêtes. Mon objectif est d’aller tourner le Haut Koenigsbourg mais je ne sais pas encore si la convection me le permettra. Je transite sur le Brézouard et reprends de bons thermiques sur la crête qui mène au Taennchel je suis à plus de 2400m. Je vois la plaine et le Haut Koenigsbourg, il y a des cumulus mais le plafond est bien plus bas. Je décide d’aller tourner le Haut Koenigsbourg. Je suis limité à 1980m d’altitude dans les limites latérales de la zone Vol à voile R120 et je dois éviter le reste de la TMA6 de Strasbourg qui à son plancher à 1550m. J’arrive à 2km du château et mon altitude n’est plus que de 1300m… Je retrouve un thermique qui me permet de temporiser et de remonter à 1700m. Il y a des nuages jusqu’en plaine c’est assez rare, mais je sens que je ne suis pas au meilleur endroit. Je suis à la limite de la plaine et de la montagne, la brise de Saint Marie aux Mines est dominante et met toute la crête du Taennchel sous le vent. Je décide d’aller tourner le château et de revenir. Ca passe mais je n’ai toujours pas de bon cycles pour remonter à une altitude de sécurité je suis à 1600m, 100m plus bas qu’à l’aller. Je regrette déjà de ne pas avoir fait demi tour plutôt ou de n’être pas allé chercher le thermique plus loin en plaine. Je n’ose pas rester plus longtemps et me jette dans la vallée de Tannenkirch qui est encore au soleil, hors cycle et sous le vent je dégueule tout du long… L’endroit à l’air sympa mais ce n’est vraiment pas là ou j’ai envie de poser…
C’est le moment le plus critique du vol, ça ne monte pas, je suis bas et je n’ai pas d’appuis. En plus de tout ça un nuage qui a formé sur le Taennchel met à l’ombre la zone par laquelle je dois m’échapper… Je suis en apnée à 950m d’altitude, collé à la forêt dans une petite vallée avec seulement 300m sous les pieds… Je retrouve quelques bulles inespérées poussées par la brise, en face Est du Rocher Pointu, qui me permettent de juste passer la crête et de me jeter coté ensoleillé. Je récupère un petit thermique sous le vent qui me monte de 100m et je transite à nouveau sur les faces Est mais cette fois du Taennenchel, ça marche je remonte à 1500m et commence à respirer à nouveau, je continue sur ce rythme vers le Brézouard. Je sens vraiment que la brise de la vallée de Sainte Marie met toute la crête sous le vent, je passe Aubure à 1300m et continue sur la crête. Je trouve enfin un vrai thermique au niveau de Fréland que je peux enrouler plusieurs tours, les premiers tours jusqu’à 1500m dérivent vers le Nord dans un +2 intégré et ensuite il passe à +5m/s mais dérive en Sud poussé par la brise de Sainte Marie. Un planeur me rejoins et nous faisons le plafond ensemble jusqu’à 2700m, c’est bon je suis sorti de mon trou.

J’ai perdu un peu de temps avec cette visite chez les écureuils, il est 15h le ciel est allumé de grosses rues de cumulus sur tout le massif, les plafonds sont à plus de 2800m, c’est le moment de faire gaz et d’utiliser les performances à haute vitesse de mon engin. Je transite sur le déco de Surcenord, refait un petit plein et remonte vers les crêtes. Mon objectif est d’aller du coté de Remiremont. Je passe au dessus du lac de Retournemer et refais un gros plein à 2850m dans de larges thermiques trés généreux, puis un autre au Sud de Gérardmer, et encore un au Nord de Vagney. C’est l’autoroute mais la brise et le vent d’Ouest s’additionnent et ça contre. Steph posera à cause de ça du coté de La Bresse. Je croise au plafond Patrick et Patoche nous sommes satellisés et le ciel est magique. Passé Remiremont les cumulus sont aussi présents en plaine avec des plafonds moins haut mais bien actif. Je décide d’y faire une escapade et de remonter le plus loin possible vers l’Ouest pour ouvrir au maximum les branches de mon triangle. Les plafonds sont à 2200m et les cumulus sont actif et partout jusqu’à Epinal et Mirecourt, mais la brise de NW est significative alors je regarde mon chrono il est 17h20, je  décide de faire demi tour après St Nabor à Raon les Bois. Maintenant il faut boucler je sais que j’ai atteint l’objective des 150km si je rentre au Goal. Je refais 2700m à Remiremont et transite vers Saulxure vent dans le dos, ça plane vraiment bien, je passe Bussang et arrive à 2100m sur le Drumont à 18h30.

Ce triangle est bouclé, je vole depuis 7 heures dans une aérologie exceptionnelle, saine et généreuse. Je suis cuit, j’ai envi de pisser depuis trop longtemps, la bouteille que j’utilise ayant sauté de la poche de mon cocon suite à un gros cisaillement du coté du Haut Koenigsbourg. J’ai du mal à me concentré, mon attention n’est plus pertinente, je vole, je flotte. J’ai du mal à trancher et à prendre une décision. Mais bon en regardant du coté du Rosberg je ne peux m’empêcher de tenter… Il y a une énorme confluence, trés active avec un gros nuage et une belle base nette et sombre, le plafond est à 3000m. En plus je me rappelle les regrets d’Etienne sur le dernier gros vol précédent cette journée qui était allé poser pour pisser et n’avait donc pas boucler le parcours de 140km comme Nico et moi.

La journée n’est donc pas finie, j’oublie ma vessie…. Et je pars en direction du Rosberg. Je fuse vent dans le dos et trouve sans problèmes le thermique pour faire le plein sur le Rosberg, ça dérive pas mal, le vent d’Ouest commence à rentré. Je suis presque à 3000 et j’ai 20 km/h d’Ouest dans le nez. La plaine coté Mulhouse est allumée mais je ne peux plus faire le gourmand. Je décide de faire demi tour à la fin de la confluence du coté de Masevaux pour ne pas me faire cracher sous le vent et avoir trop de difficulté pour rentrer. Je repasse sur le Rosberg satellisé à 2900m et vais tout droit accéléré sur les derniers kilomètres vers Urbés, l’air porte bien et n’est plus turbulent j’arrive avec1500m de gaz sur l’atterrissage je mets encore 10 minutes pour descendre et poser à l’Aérotec.

Il est 19h20 je sors de mon cocon et pose les pieds au sol aprés plus de 8 heures de vol, je dégrafe ma sellette et me soulage d’une très grosse envie. Les derniers élèves sont entrain de poser, je laisse tout mon équipement et me dirige vers le bar de Laure pour boire quelques bières, tous les pilotes cross sont déjà rentrés, il reste les élèves de Cumulus et quelques pilotes d’acro. Je replis il est 20h00 et les cumulus sont encore actifs sur les zones les plus propices des Vosges. J’ai fait un gros vol, cette journée était tellement bonne.

En 2010 je réalise un triangle FAI de 134km en OMEGA 8 de série. Depuis mon objectif était de passer les 150 km avec une aile de compétition en 2 lignes.

Mes performances sur ce vol :

J’ai une bonne analyse de la météo ce qui me permet de détecter les journées fumantes.
Je me suis entrainé toute la saison et je n’ai commencé à être dans le bain qu’à partir de mi juin, avant je n’avais pas assez d’heures. Sur ce vol j’étais à la bonne température, pas trop pressé, j’ai pris mon temps, j’étais dans le présent.

J’ai une bonne connaissance du massif, c’est un peu comme du vol de plaine, je m’adapte facilement aux caprices des brises de vallée et des confluences, j’arrive à lire de mieux en mieux la vie des cycles thermiques.

Je me suis dépassé en allant chercher chaque point du triangle en bordure de plaine dans des endroits encore jamais traversés en vol.